Inter-Environnement Bruxelles

Le bureau, entre vide et surenchère

Bruxelles en mouvements n°335, avril 2025

Le quotidien des Bruxellois·es est bien plus touché par la question de l’accès au logement que par l’impact du marché des bureaux. L’histoire de Bruxelles et l’organisation de son territoire sont pourtant intimement liées à cette fonction tertiaire depuis les années 60. Pour mieux comprendre l’impact du bureau sur nos vies, celui du télétravail, saisir le marché financier dans lequel cette fonction s’inscrit et le pourquoi des nouvelles constructions alors que de nombreuses superficies sont vides, IEB a consacré le dernier numéro de son Bruxelles en mouvements, en collaboration avec l’ARAU et l’IGEAT, à ces questions.

Dès l’après-guerre, Bruxelles a vu son développement intimement lié à la croissance du secteur tertiaire. Des premières installations d’ensemble de bureaux dans le centre historique aux vastes opérations immobilières des années 1960-1980, la fonction tertiaire a été à la fois moteur économique, levier d’aménagement du territoire et prétexte à de profondes transformations urbaines, parfois brutales. Entre vagues de concentration-déconcentration au gré des évolutions du marché immobilier, entre essor destructeur du tissu urbain et recomposition spéculative, les ressorts d’un modèle tertiaire sont toujours très présents à Bruxelles et les politiques publiques peinent à cadrer les velléités des investisseurs.

Si depuis 2014, le marché semble se contracter au vu des derniers rapports officiels, une observation plus fine met en lumière les nombreuses nouvelles superficies autorisées par les permis d’urbanisme. On assiste, dans les quartiers bien desservis, à d’importantes opérations de démolition-reconstruction des superficies existantes pour procéder à une densification des surfaces démolies et reconstruites au nom de la mixité des fonctions (bureaux et logements).

Cette mise constante de nombreuses superficies de bureaux sur le marché crée inévitablement du vide. Après un moment de résorption, la vacance immobilière est repartie à la hausse. Les superficies de bureaux vides dépassent à nouveau le million de mètres carrés, soit près de 9 % du stock. Depuis quelques années, une partie de ces surfaces est reconvertie en logement (23 % des superficies nouvellement créées en logement en 2021) mais ce dernier est majoritairement privé et donc inabordable financièrement.

Ce vide s’est sans nul doute amplifié depuis la période sanitaire covid en raison du télétravail qui a pris racine à ce moment et s’est perpétué une fois la période de crise passée. Si le télétravail est perçu comme un bienfait pas certain, il constitue un élément qui renforce des tendances inquiétantes déjà présentes sur notre territoire : outre l’obsolescence plus rapide du parc de bureau, il contribue à renforcer les inégalités sociales et géographiques de la capitale, à renforcer l’exode urbain et à réduire des emplois adaptés à la main-d’œuvre bruxelloise.

Pour illustrer les dynamiques à l’œuvre décrites ci-dessus, le dossier analyse trois quartiers : Nord, Midi et Léopold, autour desquels se reconcentrent aujourd’hui massivement le bureau, car ils restent attractifs pour des investisseurs en quête permanente d’espaces où investir les masses colossales d’argent levées sur les marchés financiers. Le bureau reste un placement attractif non pas en raison d’une « demande réelle » d’occupants bruxellois à la recherche de surface de bureaux, mais bien en raison d’une demande de projets dans lesquels investir l’argent. Les objectifs de mixité des fonctions et de durabilité environnementale servent en réalité de prétexte à alimenter un cycle immobilier financiarisé.