Inter-Environnement Bruxelles

50 ans et toutes ses dents !

Bruxelles en mouvements n°334, février 2025

© Mathieu Van Assche - 2025

Tout au long de l’année 2024, IEB a célébré son jubilé par la parution de textes hebdomadaires dans sa lettre d’information, qui ont rappelé des moments-clés des 50 années écoulées. Certains de ces textes ont été développés dans ce Bruxelles en Mouvements. Ils sont publiés pour mémoire, c’est-à-dire pour faire mémoire commune, ne pas oublier d’où l’on vient et ce par quoi nous sommes passé·es. Faire mémoire commune est un acte fondamental de la constitution des collectifs, une manière de mieux se situer et de savoir où l’on veut aller.

Dans la tradition ancienne, un jubilé est aussi un moment rituel récurrent, une fête solennelle célébrée tous les 50 ans, au cours de laquelle s’opère une redistribution des richesses et des terres entre tou·tes, où les dettes sont effacées, où les esclaves reprennent leur liberté, un moment de rééquilibrage des inégalités.

Aujourd’hui à Bruxelles, comme presque partout dans le monde, les inégalités se creusent. Le logement décent, bien de première nécessité, est devenu inaccessible pour une grande partie de la population, de nombreux espaces-refuges et de ressourcement nécessaires au bien-être des humain·es comme à la survie d’autres êtres vivants sont menacés de destruction, spécialement dans les espaces où vivent déjà les plus fragilisé·es d’entre ell·eux. Or, la raison première de la destruction de nos environnements, de la dégradation de nos conditions de vie et de nos milieux urbains réside dans l’insatiable quête de profits des grands acteurs immobiliers ou financiers, et dans leur nécessité, pour y parvenir, de faire circuler les personnes et les biens toujours plus et toujours plus vite. La fixation de limites, qu’elles soient matérielles (limites à l’exploitation des ressources, limites à l’accumulation du capital, limites aux projets démesurés) ou immatérielles (limites à la démesure, limite aux conduites égotiques) est quasi inopérante.

À son échelle, en continuant inlassablement de mener le combat pour le Droit à la Ville et pour une Justice environnementale pour toutes et tous, c’est-à-dire pour des environnements dignes et égalitaires, IEB est une force motrice des mouvements agissant pour plus de démocratie, de justice sociale et la limitation du pouvoir prédateur de la finance sur nos environnements et milieux de vie. Ces combats permettent de définir IEB comme un contre-pouvoir, essentiel en démocratie.

Dès lors, il est évident que certaines positions d’IEB peuvent être ressenties par certains ou certaines comme « idéologiques ». Cependant, il convient de rappeler très simplement que tout positionnement est nécessairement « idéologique », l’idéologie pouvant être définie comme « un ensemble d’idées et de discours plus ou moins cohérents a priori plausibles visant à décrire comment devrait se structurer la société » [1]. IEB ne fait donc rien d’autre que ce que fait tout acteur ou actrice qui intervient dans l’espace public : défendre une vision de la société.

En ces temps où milliardaires et figures autoritaires arrivent au pouvoir avec des programmes réactionnaires (contre les femmes, contre les minorités raciales ou sexuelles, contre les immigré·es, contre les solidarités, contre les formes non commerciales de la culture), qui servent d’abord leurs propres intérêts, et où la puissance de l’argent ne s’est jamais autant immiscée dans la conduite des individus, il n’est pas inutile de rappeler que l’histoire est aussi faite de moments où la mobilisation sociale et les combats pour plus d’égalité et d’attentions aux valeurs d’usage (plutôt que marchandes) ont souvent changé le cours des choses, que rien n’est écrit d’avance. À défaut de l’instauration d’un nouveau vrai jubilé, d’un moment global de redistribution des richesses, la mobilisation collective reste donc la meilleure voie pour faire changer le cours des choses.

Cette conviction que rien n’est écrit d’avance doit absolument nous habiter, d’abord parce qu’elle est vraie et ensuite parce qu’elle procure la joie de l’action collective et le sentiment rare d’une puissance d’agir partagée, fût-elle modeste et fugace. Rien n’égale cette joie-là. Rien ne peut ni ne pourra nous l’enlever.