Inter-Environnement Bruxelles
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Éducation populaire : une remise en question permanente !

Bruxelles en mouvements n°307, août 2020.

Alors que passée la mi-août, chacun commence à penser tout doucement à la fin des vacances et à la rentrée, IEB sort le dernier numéro de son Bruxelles en Mouvements. Celui-ci est consacré à un versant spécifique de l’éducation dont les origines présentent un lien certain avec l’apparition des congés payés : il s’agit de l’éducation populaire, aujourd’hui dénommée éducation permanente. Ses origines plurielles, rattachées à une constellation d’initiatives au cours du XIXe siècle, vont se fixer au XXe sur une volonté de « procurer aux travailleurs le moyen de faire un emploi utile et moral de leurs loisirs ». L’éducation permanente s’apparente dès lors à une démarche d’encadrement du temps libéré même si les objectifs émancipateurs ne sont pas absents.

Depuis, l’eau a coulé sous les ponts, la classe ouvrière a muté, l’éducation populaire est devenue permanente pour embrasser un monde associatif plus large que les organisations du mouvement ouvrier. Sa philosophie se revendique de mettre sur pied des CRACS (des Citoyens Responsables Actifs Critiques et Solidaires). C’est surtout devenu un mode de financement précieux pour une kyrielle d’associations actives dans des champs divers, allant de l’alphabétisation à la défense des droits humains en passant par la préservation de l’environnement. Si en 1981, 115 organisations étaient reconnues, elles sont aujourd’hui 270 dont 59 % situées en Région bruxelloise...

Ce numéro du Bruxelles en Mouvements revient sur l’évolution historique et politique du champ de l’éducation permanente et interroge les pratiques actuelles à l’aide du regard croisé de diverses associations rencontrées, reconnues ou non par le décret : la Rue (Molenbeek), le WIQ (Wolu-Inter-Quartiers), l’ACQU (l’Association des Comités de Quartier Ucclois), l’UPA (l’Université Populaire d’Anderlecht), l’association Bonnevie (Molenbeek), Convivence (Ville de Bruxelles). En leur compagnie, le dossier aborde diverses questions récurrentes telles celles des publics touchés/concernés, leurs cloisonnements ou leurs éventuelles alliances ; l’articulation des échelles d’action, le passage du local au global et la possibilité d’établir un rapport de force à partir de l’expertise d’en bas ; le passage complexe de la réponse à des besoins individuels à la construction de forces collectives ou encore de l’état d’urgence à la vision long terme ; sans oublier les travers de la professionnalisation et les limites du militantisme salarié.

Le dossier donne aussi la parole à quatre récits situés : celui du Collectif Alpha et de ses parcours critiques documentés de Bruxelles à l’attention d’habitants de Molenbeek venus apprendre le français ; celui du Picol (Projets de Cohésion Sociale quartier Nord et Léopold) à Laeken qui évoque comment les colères de locataires sociaux de la Cité Modèle se tissent dans une démarche collective pour devenir le ressort d’une révolte constructive ; celui du Pavé dans les Marolles, un collectif bénévole lié à ce quartier populaire qui édite gratuitement depuis 2017 un journal relayant des regards situés, critiques, d’humeurs et d’humour sur ce territoire singulier ; et bien sûr le récit de La Rue, cette association quarantenaire et infatigable du Vieux Molenbeek dont les actions multiples (écoles de devoirs, potager urbain, cohésion sociale) sont des étapes mettant les individus en capacité d’agir sur leur quartier.

Il en ressort que le savoir local des dominés s’appuie sur leur expérience ordinaire en lien avec des situations concrètes s’inscrivant dans la complexité historique de leurs espaces vécus. Ce savoir est trop souvent décrédibilisé par le discours dominant en savoir non valable, comme relevant d’un « petit esprit » qui serait incapable d’appréhender le monde. La gestion de la récente crise est une illustration éclatante du dédain de nos dirigeants pour l’expertise d’en bas, celle des petites mains de la santé, du transport public… ou celle des oubliés (détenus, sans-abris, sans-papiers, marchands ambulants, forains…). Mettre fin à cette dépossession permanente en réhabilitant ces savoirs est un enjeu majeur de l’éducation.

Bonne lecture en profondeur !