La nouvelle prison fait partie d’un package carcéral
En avril 2008, le Conseil des Ministres décide d’accroître la capacité carcérale via la construction de sept nouvelles prisons parmi lesquelles un projet de méga-prison à Haren. Pourtant, les précédentes notes de politiques générales pénales et pénitentiaires, de 1996 à 2006, mettaient l’accent sur le fait que la prison devait constituer une mesure d’ultime recours et que l’augmentation de la capacité carcérale n’était pas la solution : plus on construit de prisons, plus on les remplit [2]. En 1996, le ministre de la Justice de l’époque, Stefaan De Clerck, mettait l’accent sur le recours aux peines alternatives afin de tenter de réguler le problème de la surpopulation carcérale. Au même moment, le ministre charge le professeur Lieven Dupont [3] d’élaborer, avec le concours de différents experts, un avant-projet de loi prévoyant notamment une mesure destinée à lutter contre la surpopulation en obligeant le pouvoir exécutif à définir la capacité maximale de chaque prison.
Peine perdue, en août 1996, l’affaire Dutroux éclate et balaie la nouvelle conception réductionniste de la politique pénitentiaire par un credo très sécuritaire. Même si la loi Dupont basée sur des principes d’humanisation des prisons voit le jour, son contexte de naissance ne lui permettra jamais de déployer ses ailes.
C’est ainsi qu’en 2008, en totale contradiction avec la note d’orientation de 1996, le Gouvernement estime que la construction de prisons est le meilleur moyen de remédier à la surpopulation carcérale. Il y est décidé que l’agrandissement du parc pénitentiaire belge s’effectuera d’une part en rénovant les établissements existants et d’autre part en entamant la construction de nouveaux établissements. Le Gouvernement adopte un Masterplan composé de trois étapes successives : 2008, 2012 et 2016. La première étape du Masterplan prévoit que les nouvelles constructions de prisons se font via des partenariats public-privé (PPP). Cela signifie que des sociétés privées, réunies en consortiums de grande taille, s’occupent de la conception architecturale (sur base d’un cahier des charges de l’État), de la construction du bâti, du financement et de la maintenance (entretien de l’infrastructure, gestion de l’alimentation pour et par les détenus ainsi qu’envers le personnel, buanderie, jardinage, nettoyage, gestion des déchets) desdites prisons. C’est ce qu’on appelle le système « DBFM » (Design, Build, Finance, Maintenance). Toutefois, la surveillance des détenus continue d’être assurée par les agents pénitentiaires.
Le Masterplan de 2008 prévoyait la construction de sept prisons. En 2012, quatre prisons additionnelles sont prévues (Haren, Anvers, Namur/Dinant et Merksplas), et ce, alors que ni la première ni la deuxième mouture du Masterplan ne repose sur quelque étude relative à la capacité du parc carcéral existant et à son état de vétusté. « On se demande si les décisions relatives à la construction de tel ou tel établissement ne relèvent dès lors pas de discussions et de calculs réalisés sur un coin de table à la va-vite. Ces décisions ne reposent en tout cas sur aucune étude et aucune expertise. Par ailleurs, elles n’anticipent nullement l’écroulement d’autres bâtis tels que ceux de Lantin ou Verviers. » [4]
Depuis le lancement du Masterplan, trois établissements pénitenciers ont vu le jour à savoir, la prison de Marche-en-Famenne, de Beveren et de Leuze-en-Hainaut. En mars 2015, l’actuel ministre de la Justice, Koen Geens, présente à la Chambre son plan de réforme de la Justice. Le but du nouveau Masterplan est essentiellement de résoudre le problème de la surpopulation carcérale. En vue d’atteindre ces objectifs, il est prévu de réaliser les projets de Haren, Termonde et Merksplas. Le conseil des ministres fédéraux, en date du 28 février 2014, allonge cette liste par la construction de deux nouvelles prisons supplémentaires, l’une à Ostende et l’autre à Bourg-Léopold.
Haren parce que c’est pas cher
Le besoin de construction de nouvelles prisons est souvent objectivé par la nécessité de détruire un vieil établissement devenu trop vétuste ou pour répondre au problème de la surpopulation carcérale, donnant un fondement humanitaire à une volonté sécuritaire et/ou lucrative. Un petit détour par la France, nous permet d’observer à rebours le vaste mouvement de rénovation du parc pénitentiaire que connut ce pays à partir des années 60. De nombreuses prisons de tailles vertigineuses furent construites en périphérie des villes. Les anciennes prisons implantées au cœur de la ville furent détruites ou conservées pour accueillir une nouvelle affectation plus lucrative. La méga-prison de Fleury-Mérogis, construite en 1967 et susceptible d’accueillir 3 110 détenus, est sans doute l’exemple le plus frappant de ce mouvement centrifuge. Alors que le rapport Bonnemaison de 1989 insistait sur l’insertion de petites prisons dans la cité, la France continua à recycler ses centres urbains en lieu de prestige et à reléguer les prisons dans la périphérie. À Strasbourg, la maison d’arrêt Sainte-Marguerite en activité jusqu’en 1989 dut faire place nette au profit de la prestigieuse École Nationale d’Administration, bâtiment plus digne pour cette ville où siège le Parlement européen. [5]
Contrairement à ce que d’aucuns pensent, l’argument avancé pour construire une prison à Haren n’est pas directement lié à une question de surpopulation carcérale. D’emblée, on sait que la prison ne parviendra pas accueillir l’ensemble des détenus incarcérés dans les trois prisons bruxelloises : Saint-Gilles, Forest et Berkendael. La Cour des Comptes signalait déjà lors de l‘adoption du Masterplan que sa mise en œuvre impliquerait de toute façon un déficit du nombre de places si on tenait compte de la population carcérale actuelle et en partant de l’hypothèse que celle-ci n’augmenterait pas. Dans le cas du projet de Haren, c’est donc l’état de vétusté de ces infrastructures pénitentiaires – Saint-Gilles a été construite en 1884, Forest en 1910 – qui est mis en avant pour justifier leur remplacement par la nouvelle méga-prison.
Une charrue bien envahissante avant le bœuf si l’on s’en tient à cette réponse du Premier Ministre Charles Michel du 17 septembre 2015 à une question posée par la Plate-forme contre le désastre carcéral [6] selon laquelle c’est seulement après l’évaluation en cours du Masterplan III « que le Gouvernement pourra décider sur les choix à intervenir et le devenir des prisons de Saint-Gilles et de Berkendael, et plus généralement de toutes les prisons existantes ». Autrement dit, en septembre 2015, alors que le permis d’environnement pour la nouvelle prison est délivré depuis deux mois, on apprend que la décision de fermer les prisons, que la prison de Haren est censée remplacer, n’a pas encore été prise. Pourquoi dès lors vouloir construire dans l’urgence une prison dont l’opportunité n’a toujours pas été évaluée ? Les contrats passés avec le consortium privé y serait-il pour quelque chose ? [7] Toujours est-il que l’urgence du projet a motivé le choix du site de Haren. L’étude d’incidences du projet énonce que : « Le terrain de Haren a été désigné comme meilleur site en raison de sa situation, de la superficie disponible, de sa disponibilité et de sa finalité au regard des délais proposés dans le Masterplan ». Voilà la seule phrase de l’étude d’incidences qui motive le choix d’implantation.
La volonté de regrouper trois prisons en une nécessitait de facto la recherche d’un terrain de dimension conséquente et difficile à trouver dans le milieu urbain et dense de Bruxelles. S’il est imaginable de construire des petites unités carcérales en milieu urbain, il est nettement moins simple de trouver 18 hectares de terre. Sans compter que ces 18 hectares sont vraiment le minimum acceptable pour accueillir 1 200 détenus. À titre de comparaison, signalons que la nouvelle prison de Marche-en-Famenne accueille 312 détenus sur 16 hectares. La combinaison du choix du lieu avec celui de construire une prison surdimensionnée a pour conséquence de créer une densité jamais rencontrée pour ce type de structure.
Pourquoi vouloir regrouper à tout prix les trois prisons alors que selon une étude norvégienne [8], confirmée par d’autres études ultérieures, il existe une relation entre la taille de la prison et la qualité de vie : les petites prisons (de maximum 50 détenus) obtiennent un score nettement supérieur aux grandes prisons (de plus de 100 détenus). En 2011, la Fondation Roi Baudouin sortait un rapport dans lequel on peut lire : « Se pose en même temps la question de savoir si le choix d’une prison ‘mastodonte’, comme celle de Haren, est vraiment la meilleure option pour réaliser ces objectifs. Des ‘maisons de détention’ à plus petite échelle dans la ville, qui permettent et encouragent une interaction aisée avec la société dans son ensemble, semblent beaucoup plus indiquées, surtout dans le cadre de la création d’une capacité pénitentiaire ouverte. » [9]
C’est dès 2007 que le Gouvernement fédéral, par l’intermédiaire de la Régie des Bâtiments (son bras immobilier), se met en quête d’un terrain au sein de la région de Bruxelles-Capitale pour accueillir le nouveau complexe. On peut bien imaginer que le nombre de terrains en région bruxelloise répondant aux critères du Gouvernement était limité – celui-ci devant compter 18 hectares, être disponible assez rapidement et ne pas coûter trop cher. Toutefois, les critères qui ont permis de jeter le dévolu sur le terrain de Haren n’ont jamais été énoncés clairement. Ni les raisons pour lesquelles la rénovation des prisons actuelles n’a jamais été creusée très sérieusement. Certes le terrain de Haren présentait la superficie annoncée et son prix du m² était certainement bien plus bas que d’autres terrains envisagés : 53 millions d’euros pour 18 hectares, soit 294 €/m², alors que le prix moyen en région bruxelloise tourne autour de 550 €/m². Amené à se prononcer sur la question suite à un recours des riverains contre le permis d’environnement du projet de prison, le Collège d’environnement [10] soulignera que « ce sont des motifs économiques non étayés ainsi que la disponibilité du site qui ont conduit au choix d’implantation ».
Déplacer la prison pour nourrir des appétits immobiliers
Les prisons actuelles de Saint-Gilles et de Forest se situent toutes les deux au cœur de la ville de Bruxelles à proximité du Palais de Justice ou encore de la gare du Midi, ce qui facilite les transferts des détenus et les déplacements des avocats, des juges et des familles. Pourquoi priver la prison de cette accessibilité vitale tant pour la bonne administration de la justice, que l’exercice des droits de la défense ou encore le bon maintien des liens sociaux entre le détenu et le monde extérieur ? Déménager la prison à Haren aura pour avantage de libérer le foncier saint-gillois dont la valeur est nettement plus lucrative que celle de Haren comme en atteste un rapport du bureau d’étude MSA publié en 2014, une étude commandée par la Région bruxelloise dans le cadre de la libération progressive de ces terrains. L’étude spécifie notamment que « ces sites constituent des opportunités foncières uniques par rapport à leur localisation dans un tissu urbain dense ainsi qu’à la qualité actuelle de leur desserte en transports publics, la proximité de pôles de services existants ». [11] tout en reconnaissant « à ce jour, aucun accord n’existe entre l’État fédéral et la Région de Bruxelles-Capitale sur le devenir des sites des trois prisons et beaucoup d’inconnues subsistent à leur sujet ».
La Région ne se cache nullement de ses appétits de reconversion foncière. Dans sa déclaration politique de rentrée du 22 octobre 2015, Rudi Vervoort, le Ministre-Président de la Région bruxelloise s’exprime ainsi : « Il est à présent primordial que le Fédéral – acteur foncier de certains sites – prenne position sur la libération de certains de ses terrains dont l’affectation est vouée à disparaître. Je pense aux prisons de Saint-Gilles et de Forest (…) Nous avançons sur la vision de développement de ces sites pour en permettre un développement rapide dès leur libération – mais il nous faut à présent des garanties du Fédéral. Dans cette optique, le Gouvernement a approuvé l’étude de définition du réaménagement des prisons de Saint-Gilles et de Forest – qui identifie un potentiel de construction d’un millier de nouveaux logements et d’une nouvelle école primaire. Mais il faut à présent disposer d’un timing de libération de ces prisons de la part du Fédéral. Et une chose est claire ! Quand bien même le Fédéral répondrait à toutes les conditions mises par la Région et la Ville de Bruxelles, nous n’avancerons pas sur l’octroi du permis pour la construction de la prison de Haren tant que nous n’aurons pas de garantie suffisante pour la libération effective des deux sites. »
Au vu de ceci, on comprend mieux pourquoi ni le Fédéral, ni le Régional ne s’embarquent dans un scénario de rénovation de la prison de Saint-Gilles qui aurait pourtant tout son sens d’autant que cette rénovation a déjà été largement entamée. Ce sont 100 nouvelles cellules individuelles, 4 salles polyvalentes, 3 salles d’attente, 5 bureaux et 18 douches qui ont été réceptionnées suite à la rénovation de l’aile B en 2012, le tout pour un coût de 7,5 millions d’euros [12]. Rappelons que le coût de construction de la nouvelle prison se chiffre au minimum à 330 millions d’euros. La décision précitée du Collège d’environnement refusant le permis d’environnement de la prison de Haren pointera le fait que « l’étude de l’alternative consistant à rénover les actuels établissements de Saint-Gilles et Forest-Berkendael est bâclée ». Cette option permettrait pourtant de disposer d’une infrastructure de qualité à moindre coût et dans des délais plus rapides que la construction de la nouvelle prison dont l’ouverture initiale était annoncée pour 2015. Si le Fédéral avait poursuivi son programme de rénovation tel qu’entamé, les détenus de Saint-Gilles disposeraient aujourd’hui d’une prison rénovée à proximité du Palais de justice. Mais cette option n’aurait pas pu être réalisée via un PPP, lequel permet de ne pas devoir débourser un montant considérable de dépenses publiques sur une courte période mais de l’amortir sur deux décennies et demie. Un must ?
PPP et opacité dans l’attribution du marché
C’est dès 2008 que le Masterplan prévoit que les nouvelles constructions de prisons se feront via des partenariats public-privé. À l’époque, la Cour des comptes signalait que le choix des PPP de type DBFM (voir notre encadré) pour la construction de certaines prisons du Masterplan avait été acté sans aucune évaluation préalable. De fait, dans un courrier du 17 septembre 2015, adressé par le Premier Ministre Charles Michel à la Plate-forme pour sortir du désastre carcéral, ce dernier signale que « le Ministre de la Justice est en train d’évaluer la forme la plus avantageuse de réalisation et de financement des futures prisons ». Une fois encore, force est de constater que nos dirigeants avancent à l’aveuglette, les marchés étant déjà attribués au moment où l’on se pose encore la question des meilleurs modalités de montage de l’opération. En effet, la désignation du consortium Cafasso [13] remonte à mai 2013, soit sous le précédent gouvernement.
La Belgique n’est pas pionnière en ce domaine, loin s’en faut. Par contre la France et les États-Unis ont une longue expérience en la matière, or les PPP y sont sévèrement remis en cause. Il est désormais établi que ce type de partenariat est extrêmement coûteux pour l’État et n’apporte pas toutes les garanties de sécurité dans la qualité d’exécution. En France, un rapport de la Cour des comptes de 2010 démontre que les indemnités annuelles octroyées par l’État aux prestataires privés sont 2 à 3 fois plus élevées que lorsqu’un établissement carcéral relève entièrement du public.
Pour se rassurer, fin 2015, le député Olivier Maingain interpelle Jan Jambon sur la convention passée avec la Régie des bâtiments pour la construction de la prison [14]. Ce dernier affirme qu’il pourra fournir le document en question. Or, il s’avérera par la suite qu’il n’existe pas. Près de trois ans plus tard, cette convention n’a toujours pas été signée. Raison officielle avancée : les nombreux problèmes rencontrés par le projet au niveau des permis. Dans ces conditions, impossible d’exercer un contrôle parlementaire dans un dossier dont le coût total est tout de même estimé à 2 milliards d’euros [15].
En janvier 2016, une information judiciaire a été ouverte dans le but d’éclaircir les conditions dans lesquelles le consortium Cafasso fut désigné comme adjudicataire préférentiel pour réaliser le chantier. Aux dernières nouvelles, cette information judiciaire est toujours en cours.
C’est dans ce contexte que les parlementaires de l’opposition ont déposé en décembre 2015 une résolution réclamant un audit de la Cour des comptes dans le secteur des établissements pénitentiaires liés à un partenariat public-privé [16]. On attend toujours...
Pendant ce temps, à Haren...
Haren fait partie du territoire de la Ville de Bruxelles, même s’il est situé à la limite de la frontière de la région bruxelloise, juste avant Diegem et Machelen (sur la frontière linguistique). Ce territoire à l’aspect encore très rural s’est vu échoir toutes les fonctions ingrates de la ville : la percée du canal, l’arrivée de plusieurs lignes de chemin de fer, la construction du ring, un dépôt STIB,... lesquelles ont participé à l’enclavement progressif du « village ». Peu à peu les terrains agricoles disparaissent sous les logements, la densité d’habitants s’amplifie sans que les équipements collectifs suivent (lignes de transport en commun, écoles, crèches. commerces,…). Pour préserver l’équilibre de ce territoire sous pression, la Ville s’est doté d’un Schéma directeur qui prône le désenclavement de Haren et la préservation de son caractère rural. L’arrivée de la prison qui écrase 18 hectares de terres arables et s’entoure d’un mur de 6 mètres de haut, balayant au passage le sentier du Keelbeek, courroie piétonne historique et toujours en usage entre Haren et Diegem, cadre peu avec ces options.
Pendant longtemps, la Ville va souffler le froid sur ce projet tout en étant consciente que ses marges de manœuvre sont réduites, dans la mesure où elle n’est pas maître de la délivrance des permis qui relèvent de la compétence régionale. Pour elle, la construction de la prison s’apparente à une perte financière et à un projet électoralement peu porteur. Plutôt que de s’opposer frontalement au projet, elle s’engagera dans la voie des compensations en utilisant comme levier de négociation le maintien du sentier, situé en plein milieu du jeu de quille.
C’est ainsi que le 19 octobre 2015, le Conseil communal de la Ville rend un avis défavorable sur le déplacement du sentier de Keelbeek avec comme conséquence majeure de bloquer le processus d’implantation du projet. Mais la Région reviendra à la charge en s’appuyant sur la loi du 10 avril 1841 sur les chemins vicinaux qui l’autorise à prendre des décisions sur les chemins vicinaux lorsque la commune refuse de modifier le tracé de chemin vicinal. La Ville plie moyennant quelques compensations bien médiocres : la restauration des voies et des quais des deux gares d’Haren, la création d’un espace vert contigu à la prison et la construction d’une passerelle piétonne pour y accéder. Nulle trace par contre de la demande de la Ville d’une intervention financière pour compenser la prise en charge par le CPAS d’allocations au profit de certains détenus.
Au-delà de Haren, un champ carcéral à débatte
Jusqu’ici, nous nous sommes contentés de pointer l’incapacité de nos décideurs à expliciter les objectifs auxquels le projet de méga-prison répond et en quoi le paysage pénitentiaire belge se portera mieux une fois celle-ci construite, exception faite des jeux de compensations financières et immobilières. La valeur ajoutée de celui-ci reste à démontrer, alors que les nuisances qu’il provoquera ont été largement établies par les riverains, les nombreuses associations qui se mobilisent contre le projet [17] et sanctionnées par la décision du Collège d’environnement qui a refusé le permis d’environnement. Malgré leur divergence de sensibilité et de revendication, tous les opposants s’accordent sur une chose : une révision complète de la politique pénitentiaire est nécessaire. À travers la lutte qu’ils mènent contre le projet spécifique de Haren, le Comité de Haren inclus, c’est l’ensemble de la politique carcérale qu’ils dénoncent et la dérive de nos décideurs englués dans des partenariats privés et des marchandages immobiliers dont les premiers à payer le prix sont les détenus eux-mêmes.
Le projet de Haren « trop grand, trop loin, trop cher » a servi de catalyseur pour l’appel à un large débat démocratique sur cette question. Quelle que soit l’issue de ce dossier, le projet de Haren aura au moins permis de porter sur la place publique un débat jusque-là verrouillé par nos décideurs présentant l’extension du parc pénitentiaire comme seule solution pour endiguer la surpopulation carcérale.